Gestion des contraintes pour la productivité du saumon anadrome dans la rivière Rocky : ouananiche et utilisation de l’habitat

Description : La rivière Rocky a le plus grand bassin de drainage (296 km²) dans la Péninsule Avalon Peninsula, et une chute naturelle à son embouchure a historiquement empêché le saumon anadrome d’accéder au bassin versant (voir carte). Elle compte 10 823 unités (1 unité = 100 m²) d’habitat d’élevage et 2 191 ha d’habitat riverain, ce qui est adéquat pour le saumon atlantique (Bourgeois et al. 1992, Bourgeois 1998).

Le seul poisson dans la rivière avant 1984 était le saumon atlantique ouananiche, la truite de ruisseau, la truite brune et l’anguille d’Amérique et l’épinoche à trois épines. En 1984, l’Association des salmonidés de l’est de Terre-Neuve (SAEN) avec l’appui du MPO a commencé à introduire du saumon atlantique anadrome en espérant constituer une population robuste et autosuffisante et une pêche récréative. En même temps, une passe à poissons fonctionnelle a été construite. Bien qu’une montaison autonome de saumon anadrome ait été établie avec succès, elle n’a jamais atteint le point de référence limite des adultes retournant dans le système (c.-à-d. le dépôt d’œufs cible). Actuellement, elle se situe à 28 % de la conservation des œufs exigée et son statut est considéré comme « critique ». (Kelly et al. 2023).

Le projet a pour but de cerner les facteurs possibles qui nuisent au recrutement de saumon anadrome, plus précisément déterminer si cette situation est causée par les interactions avec l’ouananiche résidente ou l’utilisation limitée de l’habitat par le saumon anadrome. L’ouananiche indigène était présente dans une bonne partie du réseau avant l’introduction du poisson anadrome (Meaney 1984), et il existe des preuves d’un hybridation subséquente entre les deux populations génétiquement distinctes (Mason 2018). Cette situation a soulevé des inquiétudes concernant l’impact de l’ouananiche sur l’établissement du poisson anadrome, par hybridation ou concurrence directe. L’hybridation affecte la probabilité que les individus migrent (p. ex. sont-ils plus susceptibles de devenir résidents)? S’ils migrent, leur survie en mer en sera-t-elle affectée (p. ex. sont-ils moins adaptés pour la migration marine)?  Quant à la compétition, les juvéniles hybrides et les ouananiches occupent-ils les mêmes habitats, dans l’ensemble du bassin versant et plus localement dans les sections du cours d’eau, et le cas échéant, se font-ils concurrence pour les mêmes sources d’aliments qui peuvent affecter leur croissance et leur survie? Ou encore, l’utilisation de l’habitat par le poisson anadrome est-elle restreinte à des parties particulières du bassin versant (p. ex. sont-ils de préférence dans des zones de frai particulières et font-ils une utilisation restreinte de l’habitat d’élevage disponible?) et quel lien y a-t-il avec ce qu’on connaît au sujet de l’habitat des relevés précédents (p. ex. Meaney 1983, Patey et Whitaker 1993)? La disponibilité d’échantillons prélevés juste avant (1983), durant (la mise à l’eau d’alevins) et après l’introduction (1987, 1989) permet d’examiner le cycle biologique et les changements génétiques survenus chez les populations d’anadromes et d’ouananiches depuis.  Cet examen peut expliquer comment le saumon atlantique de la rivière Rocky a réagi après l’introduction de poissons anadromes en 1984.

Le projet comprend l’échantillonnage et la mesure systématiques des alevins et des tacons, à la fois dans l’ensemble du bassin versant dans les habitats riverains et fluviaux pour quantifier la répartition et l’utilisation de l’habitat à une grande échelle et à une échelle spatiale. Un échantillon des alevins sera analysé pour les isotopes stables et les lipides et acides gras afin de déterminer le chevauchement du régime alimentaire chez les alevins d’origine anadrome, ouananiche et hybride. Les saumoneaux et les adultes retournant seront aussi échantillonnés aux installations de comptage du MPO situées près de l’embouchure de la rivière Rocky pour évaluer la survie marine du saumon de différentes origines.

Des analyses génétiques d’échantillons seront effectuées à l’aide d’un panneau de microsatellites (Bradbury et al. 2018) afin de déterminer l’identité – anadrome, ouananiche ou hybride.